Les Soldats du 18e siècle

Les Soldats du 18e siècle

La pierre à fusil

 

Le silex pyromaque ou pierre à fusil était l’élément central de l’arme à platine à silex. Inventé vers 1630 ce système s’est rapidement imposé remplaçant les mécanismes plus anciens (platine à mêche ou à rouet) et son usage s’est perpétué pendant prés de deux siècles. C'est le frottement du silex pyromaque sur la platine qui permettait de produire assez d'étincelles pour mettre le feu à la poudre.

 

 La production de pierres à fusil était devenue une spécialité de certains petits villages du Loir et Cher. La qualité de son silex blond faisait merveille, et permettait de produire des étincelles même par temps humide, voir sous des pluies fines.

Cette différence avec les silex des armées ennemies donna un avantage certain à la France, lors des batailles de la Révolution ou de l’Empire… La production de ces pierres à fusil était importante, puisque en moyenne il sortait 20 millions de pierres par an. Le chiffre peut paraître important mais il faut cependant savoir, que la durée de vie d'une pierre à fusil était assez courte. Elle ne pouvait servir qu'entre 20 et 30 fois, obligeant le tireur à la changer régulièrement. De toute façon tous les 30 coups, il était nécessaire de nettoyer le canon du fusil, encrassé par la poudre.

 

 Principalement trois types de pierre ont existé :

- une mèche à talon : utilisée par l'armée

- deux mèches et deux arrêtes

- deux mèches et une arrête

 Au plus fort de la production de pierre, ces trois types se déclinaient en plus de 20 modèles, différents en forme, taille et en qualité. 

 

Dimension générale :

 

Pierre à talon pour fusil :

 

Largeur : 35 mm

Longueur : 38 mm

Épaisseur : 17 mm

 

Pierre à talon pour pistolet

 

Largeur : 13 mm

Longueur : 17 mm

Épaisseur : 3 mm

 

Pierre à talon pour pistolet de poche :

 

Largeur : 10 mm

Longueur : 10 mm

Épaisseur : 2 mm

 

Pierre à fusil pour l'armée :

 

Globalement sur le type "une mèche à talon", trois modèles de pierres intéressaient l'armée :

La pierre pour fusil, pour pistolet ainsi que pour fusil de rempart ou de marine. Chaque pierre correspondant à une dimension normalisée.

 

Pour les fusils:

 

Avant 1816

L : 29 à 31 mm

l : 26 à 29 mm

talon  : 6 à 7 mm

Aiguisé de la mèche : 13 mm

Après 1816

L : 29 à 33 mm

l : 24 à 29 mm

talon : 6 à 9 mm

Aiguisé de la mèche : 11 à 14 mm

 

Pour les pistolets: pierre à talon exclusivement :

 

 Avant 1816

L : 22 à 24 mm

l : 22 à 24 mm

talon : 5 à 7 mm

Aiguisé de la mèche : 9 mm

Après 1816

L : 22 à 24 mm

l : 22 à 24 mm

talon : 4 à 7 mm

Aiguisé de la mèche : 9 à 11 mm

 

La forme du biseau était importante. C'est cette partie qui frottait sur la platine, et une grande surface de contact permettait d'obtenir une belle gerbe d'étincelles.

 

Concernant les fusils de rempart ou de marine, les pierres étaient plus larges et plus épaisses.

 

 

A noter que contrairement aux armées ennemies, l'armée Française n'acceptait pas les pierres à double biseau. Pourtant celle-ci en retournant le côté usé pouvait permettre de tirer encore 20 fois. C'est à cause du dispositif de serrage du silex : le silex était maintenu en place en le serrant dans les mâchoires d'un petit étau via une enveloppe de plomb protectrice. Parfois la vis de serrage arrivait à abîmer le biseau arrière, le rendant alors inutilisable. Précisons que la gaine en plomb de serrage était obtenue en écrasant une balle de fusil avec la crosse du fusil. Manœuvre interdite par l'armée à cause du risque de détérioration de la crosse.

 

 


La mise à feu...
La mise à feu...

Schéma d'une pierre à fusil
Schéma d'une pierre à fusil

Un nouvel éclairage de la disposition des pierres a fusil
Un nouvel éclairage de la disposition des pierres a fusil :

 

Ce chien (qui pourrait correspondre à un chien de pistolet français de cavalerie mod. 1777) a la rare particularité de conserver encore emprisonné dans ses mâchoires la mordache de plomb et son silex...

Il est trés rare d'avoir des modèles de disposition de pierre encore en place.  

 

Ainsi dans son ouvrage de référence "L'Histoire de la pierre à fusil", J. Emy soulève la question :

 

"Il y a deux façons de présenter la pierre pour qu'elle fasse feu sur la batterie, soit le biseau [la mêche] en dessus, soit le biseau en dessous. Voici des extraits d'archives des Services de l'Artillerie à ce sujet : l'instruction de juin 1806, prévoit que la mêche de la pierre soit tournée sur le dessus. Jusque là on était pas d'accord avec cet objet. Quelques officiers d'artillerie étaient d'avis que le biseau regardât le bas comme c'est l'usage pour les fusils de chasse, prétendant  qu'autrement le bassinet ne s'ouvrirait qu'a demi et que le feu jaillissant trop centralement de la feuille ne tomberait pas d'assez haut pour opérer l'inflammation.

En 1816, dans un rapport du chef de bataillon Leixhaux, nous lisons : Le soldat ne sait pas s'il doit placer le biseau de la pierre en dessous ou en dessus et je ne suis pas bien sûr si cette question a été résolue et si la solution vraie pour une platine n'est pas fausse pour une autre.

Le Général Bardin en 1851, dans son Dictionnaire de l'armée de terre, a envisagé le problème : cette manière de placer le biseau en dessus donnait au tireur la possibilité d'ouvrir le bassinet en plaçant le pousse en dessus de la pierre.

Le réglement de 1792 voulait que les extrémités du biseau fussent arrondies, pour que le soldat en ouvrant le bassinet ne fût pas exposer à se blesser le pouce, ce qui semblerait indiquer qu'à l'époque le biseau était disposé en dessous. Il est fort possible qu'avant la Révolution, la pierre ait été placée plus souvent le biseau en dessous..."

 

Ainsi la pièce présentée ici apporte un éclairage nouveau sur la disposition de la pierre et complète fort à propos l'analyse de J. Emy...

En effet on peut constater que la pierre tout comme il est sous entendu dans le réglement de 1792 cité ci-dessus, est placée la mêche en-dessous, pratique usitée avant et pendant la Révolution et qui trouve ici confirmation !

 

 


Pierres à fusil avec enveloppes
Pierres à fusil avec enveloppes :

 

Voici un ensemble de pierres à fusil complètes... Elles ne sont pas toutes identiques dans leurs dimensions ou formes

 

1 = 40 x 35 x 20 mm.

Silex blond (pierre probablement pour fusil de rempart français), avec enveloppe classique et découpe pour la vis de serrage

 

2 = 31 x 26 x 6 mm.

Silex blond. L'enveloppe présente une découpe en dents de scie (pierre probablement pour fusil français)

 

3 = 35 x 28 x 8 mm.

Silex blond avec importantes marques d'usure sur la mêche. L'enveloppe présente une découpe en dents de scie, les marques des mâchoires du chien et la trace de la vis de serrage (pierre probablement pour fusil français)

 

4 = 31 x 31 x10 mm.

Silex blond. L'enveloppe consiste en un morceau de plomb écrasé en rond coupé en deux et plié... (pierre pour fusil français)

 

5 = 30 x 31 x 6 mm.

Silex blond. Traces des mâchoires du chien sur l'enveloppe. Cette dernière consiste en une feuille de plomb pliée en deux... Enveloppe assez rudimentaire (pierre pour fusil français)

 

6 = 31 x 26 x 7mm.

Silex blond avec importantes marques d'usure sur la mêche. Traces des mâchoires du chien sur l'enveloppe. Cette dernière consiste en une feuille de plomb pliée en deux... Enveloppe assez rudimentaire (pierre pour fusil français)

 

7 = 35 x 25 x 6 mm.

Silex blond avec importantes marques d'usure sur la mêche. L'enveloppe consiste en une feuille de plomb pliée en deux et un petit bout de plomb rajouté... (pierre probablement pour fusil français)

 

8 = 34 x 22 x 5 mm.

Silex blond avec marques d'usure sur la mêche. La forme de cette pierre diffère vraiment des autres. L'enveloppe présente la trace des mâchoires du chien (pierre pour fusil français ou piémontais ?)

 

9 = 32 x 29 x 7 mm.

Silex blond avec importantes marques d'usure sur la mêche. Traces des mâchoires du chien sur l'enveloppe (pierre pour fusil français)

 

10 = 17 x 17 x 5 mm.

Silex blond. Marques d'usure sur la mêche (pierre pour pistolet trés certainement français)

 

11 = 31 x 30 x 8 mm.

Silex blond avec importantes marques d'usure sur la mêche. L'enveloppe est trés élaborée, elle présente les marques des mâchoires du chien et une découpe pour la vis de serrage (pierre trés probablement pour fusil français)

 


Silex à fusil
Silex à fusil :

 

Série de silex à fusil blond... On peut penser qu'ils sont tous français...

Cetains d'entre eux présentent une mêche trés usée, preuve de leurs multiples utilisations !

 


Pierres à fusil
Pierres à fusil :

 

Ces pierres à fusil ne sont pas en silex blond. Elles sont probablement piémontaises ou autrichiennes...

 

 


Enveloppes de plomb
Enveloppes de plomb :

 

Voici une série d'enveloppes de plomb...

 

L'enveloppe en plomb permettait de maintenir en place le silex à fusil dans les mâchoires du chien... Les traces de ces mâchoires sont visibles sur les enveloppes 1 ; 2 ; 3 ; 4.

 

Les enveloppes 1 ; 3 ; 5 présentent une découpe à leur base pour faciliter le passage de la vis de serrage des mâchoires du chien

 

L'enveloppe 6, bien moins élaborée que les autres, consiste en un morceau de plomb écrasé en rond, coupé et plié en deux...

 

La 2 possède des petits trous sur ses lèvres mais dont je ne connais pas l'utilisation.